
Pieds bot, gastrostomies … Atypik’baby habille les nouveaux nés sans complexe
Il y a quelques semaines, Bien à porter est revenu sur un article écrit par le journal La Croix, qui montrait que les vêtements non-inclusifs obligent les parents à créer des habits pour leurs enfants. Atypik’Baby, une marque pour bébés de 1 à 24 mois en est la preuve criante.
Sa créatrice est Angélique Maurat, aide-soignante toulousaine qui a une petite fille née avec une malformation de pied bot, caractérisée par les pieds tournée vers l’intérieur. Elle est plâtrée au bout de deux semaines de vie pour une durée de quatre semaines, avant de porter des attelles. Cette situation rend difficile l’habillage et la mobilité du bébé. Atypik’baby a changé la vie du bébé et de la famille avec des leggings modernes pour les petites princesses, des pantalons tendances pour les petits princes, des bodys et des pyjamas pour fille et garçon et en plus à la mode ! Cette entrepreneuse a lancé sa collection de vêtements adaptés 100% made in France. Ses pièces sont uniquement vendues en ligne… Elles sont aussi très utiles pour les pathologies liées aux gastrostomies des petits. Rencontre.
« En quoi les bodies et pyjamas existants dans l’offre étaient-ils mal adaptés pour votre bébé ?
La problématique est que les pyjamas du commerce possèdent des pieds pour les nouveaux-nés, car ils ont besoin d’être bien couverts. Au début, pour le traitement des pieds bots, ma fille a eu des plâtres. Donc il ne fallait pas de pieds pour pouvoir passer le plâtre. Par la suite, les pieds des pyjamas posaient un problème, car pour l’efficacité du traitement dans les chaussures et pour les attelles, il ne faut pas d’épaisseur de tissu.
Aussi, pour les bébés, les ouvertures totales, c’est-à-dire de l’entrejambe au torse, se font très peu. J’ai échangé sur des groupes de parole, avec des mamans et aussi à l’hôpital. Et le même problème revenait pour tout le monde. Donc, c’est comme ça que j’ai su que je n’étais pas la seule.
Avant de créer vos propres modèles, avez-vous tout de même trouvé des solutions alternatives relativement satisfaisantes, et si oui, lesquelles ?
Dans ma recherche, je n’ai pas trouvé de vêtements adaptés. J’ai essayé de trouver ces vêtements-là et tous les parents me disaient que ça n’existait pas. J’ai pris tous les vêtements que j’avais achetés. Il fallait tout amener chez une couturière pour tout faire couper et tout faire ouvrir. Esthétiquement, ce n’était pas top. Donc c’est vrai que j’ai eu du mal à trouver.
Du sur mesure
Pouvez-vous nous expliquer en quoi vos vêtements sont adaptés à différentes situations (malformations, attelles, etc…) ?
La différence avec les vêtements de commerce est la largeur au niveau des cuisses et des mollets. J’ai fait des agrandissements au niveau du bas des jambes. Cet agrandissement au niveau des cuisses et des mollets facilite l’ouverture grâce aux pressions à l’entrejambe et au niveau du torse du pyjama. Les pyjamas sont également sans pieds.
Lorsqu’une personne commande les produits, c’est sur mesure. Il y a la possibilité pour certaines pathologies d’intégrer une fenêtre d’ouverture sur le pyjama, pour faciliter le passage du matériel médical. Nos clients choisissent s’il souhaite un pyjama adapté à une pathologie en particulier, avec des plâtres ou des pieds bots ou du matériels médicaux, comme des sondes de gastrostomie.
Avez-vous identifié d’autres problématiques de santé qui compliquent l’habillage de bébé ? Lesquelles ? Vos créations y répondent-elles ?
J’ai ajouté des ouvertures pour les gastrostomies sur les pyjamas et des fenêtres pour faire passer le matériel pour alimenter les bébés. J’ai parlé avec les soignantes qui m’ont dit que ça serait bien de pouvoir mettre une ouverture pour les gastrostomies, parce que ces enfants sont nourris la nuit et, donc on les réveille constamment pour pouvoir les brancher. Donc, l’idée m’est venu en fait en parlant avec les soignants.
Il faut savoir que les produits sont adaptés aussi à d’autres pathologies. Il existe des pathologies où des enfants ne peuvent pas bouger souvent parce qu’ils sont branchés avec d’autres machines, dont en réanimation dans les soins intensifs ou quand ils ont des problèmes cardiaques.
Ça peut être des problématiques de courte durée comme de longue durée, un enfant qui se casse la jambe ou un enfant qui a une problématique à vie. Donc, ça peut répondre à pas mal de besoins et à pas mal de pathologies.
Selon vous, pourquoi les marques pour bébé ne proposent-elles pas de vêtements adaptés à ces besoins spécifiques ?
Ça serait trop compliqué, je pense pour eux : ce sont des standards, c’est à la chaîne, ce sont des grosses quantités, alors que pour le handicap c’est vraiment personnalisé.
Peut-être qu’ils n’ont pas forcément toutes les idées qui leur viennent, parce que ce ne sont pas dans le domaine médical. Je vous donne un exemple : la gastrostomie. Il faut savoir de quel côté positionner la fenêtre. Aussi, ils ne sont pas forcément confrontés à la réalité du quotidien de ces enfants ayant des pathologies ou handicap.
Ma priorité, le coton pour éviter les allergies
Selon vos observations, beaucoup de bébés sont-ils concernés par des besoins d’habillement spécifiques ?
Il y a 1 à 2 enfants sur 1000 atteints de pieds bots en France. Je me rends compte qu’il y a beaucoup d’enfants qui sont concernés par ce souci là.
Comment vous faites-vous connaître auprès des parents qui recherchent les solutions que vous proposez ?
J’ai créé un Instagram au début, puis un Facebook. Il y a un mois, j’ai créé une page Internet. J’ai démarché aussi des journaux et des influenceurs. Par la suite, j’ai démarché France 3. Après tout le reste, ça a été de la bouche à oreille et ils ont vu les articles.
Au début, j’ai eu des retours de parents qui me disaient “ moi, je ferais plus comme ça”, parce que les tous premiers produits que j’ai mis [sur Instagram], je ne les ai pas mis en vente, je les avais mis visuellement pour que les parents me disent ce qu’ils en pensaient. J’ai fait un retour produit. Et avec les retours que j’ai eus, j’ai vraiment créé ma collection. Donc la collection actuelle, c’est vraiment celle qui est née de toutes les idées de tout le monde. Au début, j’avais fait ma collection avec des gros boutons parce que je ne connaissais rien à la couture, et que je pensais que ça pouvait aller. On m’a dit, mais ça serait mieux d’être plus discret. Donc j’ai écouté les retours. Maintenant, j’ai des tout petits boutons.
Certains parents ont des limitations motrices. Vos petits vêtements leur facilitent-ils l’habillage de leur bébé ? Si non, envisagez-vous aussi de développer des modèles en ce sens ?
Il sera plus facile d’ouvrir le pyjama en entier d’une main et pour ouvrir entièrement d’avoir l’ouverture dans le dos par exemple. Pareil, s’il doit [le parent] brancher son enfant d’une gastrostomie, il a la petite fenêtre juste à ouvrir d’une main et il n’a pas déshabillé son enfant complètement pour pouvoir me le brancher.
Des baleines, des tigres et des fruits !
Avez-vous été aidée pour développer votre marque et vos produits ?
J’ai demandé des conseils à des gens que je connais dans le médical, à mes collègues de travail, à des gens que je vais contacter directement sur le terrain, en pédiatrie. Comme je travaille au CHU de Toulouse, j’ai la facilité d’être sur le terrain et je me renseigne.
Je travaille avec une couturière de l’Occitanie et j’ai fait créer mes patrons par une modéliste. Mais je suis toute seule sur le projet.
Quelle est votre source d’inspiration pour imaginer les modèles et leurs tissus ?
C’est vraiment important, 95% de coton pour les allergies, parce qu il y a des risques pour les enfants qui sont un peu sensibles de faire une allergie. Donc c’est ma priorité. Le problème, c’est que je ne peux pas mettre du 100% coton parce qu’avec les pathologies, il faut que ça soit un minimum élastique, je suis obligée d’avoir un peu d’élasthanne. Donc, ma priorité c’est vraiment le coton, ça c’est sûr.
J’aime la mode. J’ai regardé ce qui ressortait le plus au niveau du thème des vêtements pour enfants et j’ai essayé de me rapprocher des thématiques, c’est-à-dire pour les garçons, la savane, un peu baleine, la mer, etc. Pour les filles, c’est beaucoup les fruits tropicaux, l’ananas, les fraises, les fruits, etc. Donc j’ai repris ça. Pour moi, c’est normaliser le handicap. C’est l’intégrer à la société et faire en sorte qu’on le voit moins, même s’il existe, à travers des vêtements que tout le monde, tout enfant pourrait porter.
Envisagez-vous de nouveaux projets de développement ?
On est en train de faire un prototype, pour les enfants qui ont des poches de colostomie : les selles sont collectées et les poches sont vidées. Je n’ai pas encore sorti les produits, mais ça serait mes gammes de pyjamas que j’ai déjà avec des ouvertures adaptées aux colostomies.
J’ai plein d’autres idées mais je veux me consacrer sur quelques produits en premier, pour pas trop m’étaler non plus et faire trop de choses d’un coup. Je veux vraiment satisfaire déjà ces pathologies-là. Je pense qu’il ne faut pas que je m’étale, que je m’éparpille trop sur plein de pathologies non plus.
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