
Andy in the city – 1ère partie: Femmes et handicap
Armelle tient un blog, Andy in the City, dans lequel elle parle de handicap au féminin. Elle est elle même handicapée, et a lancé ce blog en 2018. “J’essaye de passer des messages positifs, de faire des choses positives.”
Au début du confinement, j’ai téléphoné à Armelle, elle a 30 ans, et elle tient le blog Andy in the City.
Sarah: Pouvez-vous me présenter votre blog?
Armelle: “Le blog a été crée en décembre 2018. C’est un blog qui aborde le handicap d’un point de vue féminin. Il parle des femmes en situation de handicap, tout handicap. L’idée c’est de mettre en avant des initiatives, des projets ou des actions solidaires faits par des femmes qui ont un handicap ou pour ces femmes-là pour les rendre un peu moins invisibles que ce qu’elles sont aujourd’hui dans la société, pour déconstruire tous les stéréotypes.”
Armelle a un Spina Bifida Myéloméningocèle. Elle a me dit qu’elle a mis très longtemps à parler de son handicap.
Sarah: Qu’est ce que le Spina Bifida Myéloméningocèle?
Armelle: Une malformation congénitale de la moëlle épinière et du tube neural. C’est compliqué à expliquer. C’est un handicap avec lequel je suis née du coup c’est compliqué de l’expliquer car j’ai toujours vécu avec.
Sarah: Mais alors au quotidien, qu’est ce que ça représente?
Armelle: Les conséquences sont variables et personnelles sur chacun, moi j’ai la forme la plus grave de spina bifida (il y a trois stades) mais même au sein du même stade on n’est pas tous atteints de la même façon. Moi à titre personnel je suis en fauteuil roulant sur des distances longues, mais sur des distances courtes ou en intérieur je peux marcher, ce qui n’est pas le cas de tous les spina bifida. J’ai une valve de dérivation pour réguler la pression etc, j’ai des atteintes au niveau des reins, au niveau des hanches et de la marche, des problèmes de dos, mais je suis très autonome aussi parce que j’ai appris dès que je suis née à être très autonome.
Je me débrouille, je vis seule. Donc j’estime que j’ai quand même beaucoup de chance. Au quotidien c’est fatiguant, sur la marche et tout ça mais ça c’est comme toute personne handicapée.

Andy in the city
Sarah: Comment vous est venue l’idée de ce projet?
Armelle: J’avais commencé à regarder des blogs sur le handivoyage, sur le handicap en général, et j’avais eu envie de traiter du handicap aussi mais d’un autre point de vue, et je trouvais que ce point de vue là était intéressant. Il ne s’agit pas de dire que c’est plus compliqué d’être une femme en situation de handicap par rapport à un homme en situation de handicap, juste que c’est différent et il y a quand même des choses qui sont difficiles quand on est une femme avec un handicap aujourd’hui. C’était aussi parce que je suis née avec un handicap, j’ai grandis avec, j’ai été adolescente… A l’époque je n’avais pas forcément de repères par rapport à ça, de personnes à qui m’identifier donc j’ai voulu créer du contenu/un média qui me ressemblait et qui moi m’avait manqué peut-être à une époque. Si ça peut aider d’autres personnes à s’identifier et puis à montrer qu’on est autre chose qu’une personne en situation de handicap…Et à éveiller les consciences et faire avancer les choses.
Je souhaite donner la parole aux femmes en situation de handicap. Informer sur leur quotidien. Valoriser leurs initiatives, leurs projets, leurs actions ou celles qui leurs sont destinées et les concernent.
Sarah: Être une femme et en situation de handicap, cela constitue-t-il une double peine?
Armelle: Je n’aime pas la formule double peine parce qu’elle est un peu négative. Mais c’est vrai qu’on a aussi des stéréotypes sur le handicap et donc forcément être une femme et en plus avec un handicap, il y a un peu une double discrimination là-dessus parce que c’est le stéréotype de la femme fragile, la femme dépendante, la femme qui subit plus qu’elle ne vit vraiment sa vie. Mais en fait non pas du tout! Oui c’est difficile d’être une femme avec un handicap mais on n’est pas résumées à ça, au contraire. J’essaye de passer des messages positifs, de faire des choses positives. Et il y a énormément de choses qui sont faites par des femmes avec un handicap qui sont positives, qui sont chouettes.
Depuis deux ans, depuis les différents mouvements de libération de la parole des femmes, la situation s’est un peu améliorée.
J’ai eu cette idée-là avant tous ces mouvements là mais depuis qu’ils existent on est plus ecoutées et moi ça m’a aidée à lancer ce projet, car on est aussi plus écoutée en tant que femme handicapée. Même s’il y a encore beaucoup de choses à faire, ça permet de se faire entendre.
Sarah: D’après l’ONU, quatre femmes avec un handicap sur cinq ont déjà été victimes de violences. Qu’en est-il des violences?
Armelle: J’ai l’impression qu’en tant que femme [avec un handicap] on est soit victime, ou victimisée plutôt, soit montrée en héroïne mais on est juste comme tout le monde. Oui il y a beaucoup de femmes victimes de violences, ça c’est un fait, mais justement il faut prouver aussi à ces femmes-là qu’elles ne sont pas que ça et qu’il ne faut pas qu’elles trouvent que c’est normal, au contraire. Ce sont des femmes comme tout le monde”. Elle explique “Il y a aussi le fait qu’on a toujours eu cette habitude d’être un peu des femmes à part, des femmes faibles, et donc peut-être que beaucoup trouvent que c’est normal et que déjà si on est entourées c’est bien. Les violences ce n’est pas que dans le couple c’est aussi dans la vie professionnelle, c’est dans la vie de tous les jours, c’est dans l’accès à l’emploi, c’est toutes ces violences-là. Et je pense qu’effectivement le chiffre est peut-être plus élevé parce qu’on trouve que c’est peut-être normal, on n’ose pas aller contre, et c’est peut-être plus compliqué. C’est aussi sur l’idée qu’on a “déjà de la chance d’être entourée” que jouent les personnes qui font les violences. C’est déjà très compliqué aux yeux de la société, pour une personne valide de se dire qu’une personne handicapée, en tous cas pour les femmes, peut être avec une personne valide. Alors ça commence à changer mais c’est vrai que instinctivement c’est pas forcément ce qu’on imagine.
Le constat, le chiffre de ces violences n’est pas réjouissant. Mais Armelle, comme elle le dit, fait des choses positives. Son blog est une ressource, un endroit où sont centralisées toutes les informations pour les femmes en situation de handicap. Elle les met en lumière, et montre que l’on est d’abord femmes, d’abord individus, avant d’être handicapées.