Témoignage : la résinsertion professionnelle de Mallorie, vendeuse chez Jules
Mallorie fait partie des personnes touchées par le handicap à l’âge adulte qui peuvent se targuer d’avoir réussi leur réinsertion professionnelle. Aujourd’hui vendeuse dans un magasin Jules, elle nous raconte son expérience positive et nous parle des enjeux liés à la bonne intégration du handicap dans le monde du travail.
Lors de la convention Handimode de Brice au mois de novembre, nous avons fait la connaissance de Mallorie, une jeune femme souriante, qui après avoir été touchée par une maladie handicapante a dû se montrer persévérante pour continuer à exercer une activité professionnelle. Accueillie à bras ouverts par un magasin Jules, elle nous raconte son parcours, un exemple positif d’inclusion des personnes handicapées dans le milieu du travail. Interview.
CD : Vous avez failli perdre votre emploi. Pourriez-vous nous expliquer brièvement quelles en étaient les raisons?
J’étais adjointe chez Jules à Agen, depuis 5 ans dans la société ; je suis tombée soudainement malade, atteinte d’une encéphalite limbique. La maladie se traduit par une infection d’une partie infime du cerveau par un virus. Ensuite ,tout s’est enchaîné : période de coma, de neutralisation de la maladie… Et bien sûr, tout cela a laissé des séquelles et m’a valu trois ans d’hôpital et de rééducation. Lorsque j’ai voulu reprendre le travail, on m’a d’abord dit que je ne pourrais pas et que c’est le licenciement qui m’attendait. Mais grâce à mon médecin, à l’équipe de HappyChic, et surtout grâce à Nadège, responsable du magasin Jules où je travaille actuellement, on a pu mettre en place mon maintien à l’emploi et j’ai pu accéder à un poste fixe en tant que vendeuse à raison de quatre heures hebdomadaires.
CD : Est-ce que votre situation vous a conduite à modifier vos missions, à remettre en cause les responsabilités qui vous étaient attribuées ?
Oui, mes responsabilités ont été modifiées car après trois ans j’ai pu reprendre un poste de vendeuse 4 heures par semaine au magasin de Jules à Saint-Médard-en-Jalles, auparavant j’étais adjointe sur Agen. En effet, il m’a fallu réapprendre toutes les tâches qui incombent à un poste de vendeuse étant donné que quelques neurones étaient grillés (rires).
CD : Comment tout ceci a-t-il été vécu par vos collègues ? Par la direction du groupe ?
Tout d’abord, par le groupe nous avons eu la chance de bénéficier d’une oreille attentive en la personne de Corinne Bataillié ainsi que de Nadège, responsable du magasin Jules de Saint-Médard, qui ont accepté de relever le challenge de ma réintégration. Au niveau de mes collègues, j’ai eu et j’ai toujours un accueil et une aide au-dessus de toute espérance. Il faut bien comprendre que sans eux je n’en serais certainement pas là aujourd’hui.
CD : Concrètement comment s’est déroulée votre journée de reprise du travail ? Aviez vous des appréhensions ?
Le jour de ma reprise, j’avais bien sûr des appréhensions. Je n’étais pas très rassurée et j’avais peur de ne pas être à la hauteur, notamment à cause de mes problèmes de mémoire. Mais tout s’est très bien déroulé ! Il y a eu même un pot d’arrivée organisé avec toute l’équipe du magasin, et j’ai été couverte de cadeaux et de petites attentions de la part de tous. Nadège, ma responsable, avait parlé de moi à son équipe ce qui a grandement facilité mon intégration. Tout le monde s’est montré patient et m’a soutenue pour ma reprise et cette bonne ambiance perdure toujours au sein de l’équipe.
CD : Qu’est ce que vous aimez le plus dans votre travail ? Qu’est ce qui vous motive chaque jour ?
J’aime particulièrement le contact avec les clients, échanger avec eux, me rendre utile en répondant à leur demande,. J’aime aussi les fringues, il suffit de regarder mes armoires (rires). Le challenge du chiffre aussi me motive, et réaliser une super vente me rend heureuse. Et tout ceci ne se conçoit que dans un travail d’équipe. Mon travail m’apporte beaucoup de joie, de satisfaction, de stabilité, un sentiment d’utilité et de considération. En ce qui me concerne, je pense apporter du chiffre et mon savoir avant tout, même si l’aspect humain compte aussi.
CD : Quelles rapports avez-vous avec vos clients ? Est-ce que votre situation de handicap a changé quelque chose ? Quelles leçons en tirez-vous ?
En 18 mois je n’ai rencontré que des regards encourageants de la part des clients : ils m’aident pour attraper un vêtement en hauteur, ils n’hésitent pas à faire des allers-retours entre cabines et caisses pour me demander mon avis. Bien sûr, il y a aussi l’anecdote du nœud de cravate où j’ai eu la chance d’avoir un client à genoux devant moi pour que je lui apprenne à faire un nœud de cravate… C’était à la fois marrant et touchant. Cela montre bien l’ouverture d’esprit des clients que je reçois. J’ai remarqué que ma maladie m’a aussi permis de tisser des liens privilégiés avec les enfants qui viennent dans le magasin. D’une curiosité naturelle et innocente, ils me posent souvent des questions sur mon handicap et se demandent pourquoi j’utilise un déambulateur. J’essaye alors de leur expliquer d’une manière simple et ludique que j’en ai besoin pour me déplacer. Cela les amuse beaucoup et j’aime particulièrement leur contact car il n’y aucun jugement dans leur regard face à mon handicap. Enfin, dans ma relation avec les clients, ma gentillesse naturelle entraîne beaucoup de remerciements, de sourires et de chaleur. Il n’y a jamais eu de réactions négatives. Tout cela m’encourage à continuer mes efforts pour tenir mon poste normalement.
CD : Le handicap a-t-il transformé, plus généralement, votre relation au métier ? Votre relation au travail en général ?
De par mes problèmes, j’ai dû tout réapprendre et redoubler d’imagination pour pallier à mes problèmes physiques. J’ai dû effectuer un réapprentissage de la mémoire et travailler l’endurance au poste. Le handicap m’a rendue plus imaginative dans la vie de tous les jours. Par exemple, il m’arrive d’utiliser mon déambulateur à mon avantage : lorsque je ne suis pas assez grande pour attraper certaines choses, je me hisse et m’assois sur celui-ci pour gagner de précieux centimètres !
CD : Recevez-vous des clients en situation de handicap dans votre boutique ? Votre handicap est-il, selon vous, un « plus » dans votre travail avec les clients en situation de handicap ? Si oui, pourquoi ?
Oui j’ai déjà conseillé des personnes en fauteuil, en cannes. Cependant, je pense qu’il n’y a pas de relation entre ma façon de conseiller un client lambda ou un client en situation de handicap. L’objectif est de satisfaire le client.
CD : Dans votre cas l’inclusion dans l’entreprise se déroule très bien malgré votre handicap. Pour autant, pensez-vous que de manière générale, les entreprises font suffisamment d’efforts pour inclure les personnes en situation de handicap ? Les regards sont-ils réellement en train de changer ?
Je pense qu’il est aujourd’hui important que les entreprises fassent le nécessaire afin d’inclure les personnes en situation de handicap dans leurs rangs. C’est un véritable plus, autant pour l’équipe que pour les clients. Cela apprend aux personnes de l’équipe à porter un autre regard face aux personnes en situation de handicap. Mais je dois avouer que de manière générale, les entreprises ont encore du chemin à faire sur cette question. De plus, quand je vois comment on parle d’emploi et de handicap dans les médias et la presse, le constat n’est pas très positif et on oublie souvent de montrer les exemples positifs qui existent. La communication autour de l’emploi des personnes en situation de handicap n’est pas à la hauteur de l’enjeu. Il faudrait plus parler du fait que, même si l’on a un handicap, on a des capacités. Et tant que l’on a les qualités requises, les recruteurs ne devraient pas avoir peur de donner une chance à la personne quelle qu’elle soit.
CD : Selon vous les entreprises privilégient-elles encore trop l' »efficacité » sur l’aspect humain d’un candidat lors du recrutement ?
Je dirais que cela dépend du recruteur. Mais il faut tout de même dire que les RH de nos jours ne semblent pas encore assez « ouverts » face au handicap. Il y a quand même la notion de « productivité » qui prime lors d’un recrutement malgré l’existence de capacités et de potentiel chez les candidats.
CD : Auriez-vous un message pour les employeurs afin qu’ils songent à engager des personnes handicapées ?
Oui, je leur dirais tout simplement de ne pas avoir peur car je pense que le coeur du problème se situe là, le handicap étant encore un sujet tabou et méconnu. Il y a des éléments comme la présence d’une tierce personne pour aider, qui font indéniablement peur aux recruteurs. Je leur dirais également de donner leur chance aux candidats en situation de handicap s’ils ont des capacités. J’ai moi-même un aidant et suis déclarée invalide à un niveau 3. Souvent, à cause de cela, on s’imagine que je suis un légume… Et pourtant aujourd’hui j’ai un poste de vendeuse et je m’en sors très bien ! C’est bien qu’il y a un manque de sensibilisation et de connaissance du handicap. Je soulignerais aussi le fait que les personnes en situation de handicap, de par leur parcours, ont souvent une grande envie de réussir, sont très combatives et affichent une certaine volonté de se dépasser que les autres n’ont pas forcément.