Cinéma

Critique cinéma : Indésirables de Philippe Barassat

En mars 2015, Indésirables de Philippe Barassat est sorti au cinéma. Plus précisément, il a été projeté de manière très confidentielle, dans un nombre restreint de salles obscures. Par exemple, il m’a été impossible de le visionner dans ma ville d’adoption, Rennes. Un film traitant de sexualité et de handicap… il fallait absolument que je le visionne !

Pour résumer, le film évoque la situation d’un jeune infirmier au chômage, qui de fil en aiguille va réaliser des services sexuels rémunérés auprès de personnes en situation de handicap, dans le but de soutenir financièrement sa conjointe, qui poursuit ses études dans l’univers de la mode.

Au premier abord, je m’étais déjà faite une impression assez négative du film avec sa bande-annonce. Rien que cela. Le noir et blanc, une sensation de malaise et puis, la cerise sur le gâteau, une chanson où l’on peut entendre « Qu’est-ce que c’est dégueulasse ». Qu’est-ce qui est dégueulasse, la sexualité handicapée ? Quel message le réalisateur a-t-il bien voulu transmettre ? De plus, le peu de personnes l’ayant déjà regardé ne l’avait nullement apprécié. Acteurs mauvais, et puis surtout un côté malsain, freak… Tout un programme. Après maintes tentatives infructueuses, je suis parvenue à trouver un site de streaming me permettant de visionner ce film.

Un (mauvais) film sur le handicap

Tout d’abord, hormis le message transmis par le réalisateur, sur lequel je vais m’attarder plus loin, il se trouve qu’il s’agit d’un mauvais film. Ce n’est pas parce qu’il s’agit d’un film ayant pour thématique le handicap et la sexualité que je dois m’abstenir de toute pensée critique (comme l’a très justement remarqué Mathieu dans son dernier édito « Parler de handicap paralyse-t-il la pensée critique ? »).

C’est bien de parler de handicap. C’est encore mieux de parler de handicap ET de sexualité. Encore faut-il bien le faire (que ce soit intéressant d’un point de vue artistique et/ou de par le message véhiculé). Bien que je ne me considère pas comme une experte en matière de cinéma, je pense être tout de même capable de remarquer quand un film est un véritable navet. C’est malheureusement le cas avec Indésirables.

Un film confirmant les stéréotypes liés à la sexualité handicapée

Je tiens tout d’abord à indiquer que je suis totalement à l’aise avec ce dont il est question dans le film, c’est-à-dire l’accompagnement sexuel (et pour cause, je rédige un mémoire sur le sujet cette année). Bien que n’étant pas directement concernée par cette problématique, qui concerne une minorité de personnes en situation de handicap, j’ai tout de même mon opinion à ce propos et j’y suis favorable. Donc non, ce n’est pas à cause d’une quelconque pudibonderie que ce film m’a dérangée.

Ce qui m’a gêné, c’est le côté glauque de la sexualité handicapée qui émane de ce film. Effectivement, aucun personnage en situation de handicap du film ne m’a semblé sain d’esprit, hormis peut-être Stephana, le personnage interprété par Magali Le Naour-Sabi, qui va tomber amoureuse d’Aldo, l’infirmier/accompagnant sexuel joué par Jérémie Elkaïm.

En dehors de cela, ils sont tous antipathiques, obscènes. En effet, entre Sergueï, le jeune aveugle voyeuriste (si l’on peut dire cela) qui espionne Aldo et ses clients lors des prestations en les écoutant dans la chambre voisine et puis la scène de partouze où les protagonistes en situation de handicap se jettent sur Aldo (et le violent), immobilisé par des prothèses, que ce dernier a accepté d’enfiler en l’échange de mille euros afin de devenir, le temps d’une soirée, un « handicapé comme » eux… J’ai beau être ouverte d’esprit en matière de sexualité, je dois admettre que je me sentais vraiment mal à la fin du film, comme à la fin d’un mauvais rêve, inavouable de par sa sordidité.

Pourquoi cette obscénité gratuite ?

Monsieur Barassat a-t-il voulu davantage compliquer la tâche des personnes militant en faveur de la reconnaissance de l’accompagnement sexuel en confirmant les préjugés des novices sur la question, c’est-à-dire que les personnes en situation de handicap n’ayant pas accès à la sexualité sont forcément des êtres amoraux et libidineux et que les personnes se risquant à l’activité d’accompagnant sexuel risquent de terminer dans une situation comparable à celle d’Aldo, une proie de ces bêtes sordides et assoiffées de sexe salace que seraient les personnes invalides ?

Certes, entre adultes consentants, tout est permis dans le sexe, même celui que certains qualifient de dégueulasse (pour reprendre les paroles de la fameuse chanson de la bande-annonce). Ce n’est pas cela le problème de ce film. Le souci est que les spectateurs risquent de faire des raccourcis car le message transmis par ce film est nébuleux. Pour ma part, je ne l’ai pas compris.

Ainsi, quelle ne fut pas ma surprise (ou plutôt mon désespoir) en lisant la critique du journal Libération, selon laquelle le réalisateur avait su « créer avec ingéniosité le malaise devant une question souvent écartée : la sexualité et le désir de ceux que l’on préfère cacher ».

Voilà, la sexualité des personnes en situation de handicap, « ceux que l’on préfère cacher », est tout de suite assimilée au « malaise ». À partir de ce film, racoleur à souhait, certains vont malheureusement faire encore des généralités à propos de la sexualité handicapée… qui serait dépravée, sale, sordide.

Évidemment, il ne peut pas exister d’art sans liberté. Ainsi, chaque artiste est libre de créer ce que bon lui semble, sans craindre de heurter les sensibilités de chacun, la bien-pensance. Néanmoins, encore faut-il le faire avec intelligence (je pense notamment à Ben Lewin, qui a réalisé The Sessions en 2012, film basé sur l’histoire du poète et journaliste Mark O’Brien avec une accompagnante sexuelle, qui s’avère émouvant mais qui ne sombre pas pour autant dans le pathos).

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Un commentaire

  1. Bonjour, merci de vos appréciations sur ce film dont je n’ai pas entendu parler…et que je n’irai pas voir, car un côté légèrement malsain et inexact semble s’en dégager, d’après vos écrits. je pense que vous devriez en parler avec le réalisateur, qui n’a pas forcément réussi à exprimer ce qu’il voulait, ou s’est dispersé…
    Merci, bien cordialement, bernard.

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