Eléonore Despax, illustratice de livres pour enfants, diplômée des arts décoratifs de Strasbourg, tient le blog « Les Belles endormies » dans lequel elle raconte en dessins, et toujours avec une pointe d’humour, des anecdotes de son quotidien. Elle parle de handicap, d’accessibilité, de mode et du regard des autres. Interview.
Cover Dressing : Comment définiriez-vous votre style ?
Eléonore Despax : Mon travail est surtout basé sur la couleur et j’y insère des papiers découpés que je chine à droite à gauche (beaucoup dans les magazines de mode !). C’est un univers onirique et joyeux. Depuis 2008, j’ai créé le blog des belles endormies sur lequel je développe plutôt un style type dessin de presse.
C.D : Quelles sont vos inspirations artistiques ?
E.D : L’art populaire indien, sud américain, les années 30, les Nabis, des photographes comme Seydou Keita et Frida Kahlo, mon icône !
C.D : D’où vient le nom du blog ? Qu’y racontez-vous ?
E.D : Le nom du blog vient de mes jambes : ce sont elles les « belles endormies ». J’y raconte des anecdotes, comiques ou non de ma vie, de tous les jours.
C.D : Cette thématique du handicap était jusque là absente de vos oeuvres. Votre trait change lui aussi dans ces illustrations, rappelant un peu le travail de Pénélope Bagieu. Pourquoi avoir choisi d’aborder ce sujet de cette façon ?
E.D : Tout d’abord, en ce qui me concerne, le handicap est survenu en 2001 suite à un accident. Je me suis retrouvée en fauteuil et ma vie a changé du jour au lendemain. J’ai eu envie de parler de ce que nous vivons au quotidien, des réactions des gens, etc… Pour moi c’est une manière de sensibiliser au handicap par le biais de l’humour et avec mon outil de prédilection : le dessin. Et c’est effectivement Pénélope Bagieu qui m’a donné l’idée et l’envie de faire ce blog ; j’adore son travail.
C.D : Les scènes que vous dessinez sont-elles toutes des anecdotes autobiographiques ?
E.D : Oui toutes, mais parfois je tourne différemment les phrases dites ou la chute de l’histoire pour que ce soit plus rigolo.
C.D : Sur votre blog, vous abordez entre autres les questions de l’accessibilité ou du regard des autres, notamment celui des enfants. Pourquoi s’attacher particulièrement à leur point de vue ?
E.D : Les réactions des enfants sont un vrai bonheur car il n’y a aucun tabou dans leur manière de s’exprimer. C’est un pur concentré de naturel quand les adultes vont être beaucoup plus « politiquement corrects » ou mal à l’aise.
C.D : Vous parlez également de mode. Est-ce quelque chose d’important pour vous ? Avez-vous du mal à trouver des vêtements (et des boutiques) adaptés à votre usage du fauteuil roulant ?
E.D : Oui, c’est important pour moi et ça l’a toujours été. La façon de s’habiller est une façon d’être au monde, de définir qui on est, ou qui on a envie d’être. C’est difficile effectivement de trouver des vêtements adaptés. Les vêtements proposés en boutique sont souvent trop étroits (pour les épaules qui travaillent sans relâche), les tailles trop serrées. Bon, je me débrouille quand même et en même temps ça limite du coup mes « fringales de fringues » !
C.D : Que pensez-vous de la mode dite « adaptée » ?
E.D : Je n’ai pas une grande expérience mais j’ai l’image d’un catalogue de marque allemande pas vraiment glamour ! J’imagine que des jeunes styliste doivent se pencher sur la question et c’est tant mieux .
C.D : Vous habitez à Montpellier. Quel regard portez-vous sur l’accessibilité de la ville ?
E.D : Je pense que même si il y a encore des efforts à faire, on n’est pas les plus mal lotis. Il y a le tramway pour se déplacer et beaucoup d’activités adaptées sont proposés aux personnes handicapées. Après, les toilettes adaptées dans les bars ou les restos de la vieille ville, c’est une autre histoire ! Pour certains, c’est très compliqué car les lieux sont très étroits, pour d’autres il y a parfois de la mauvaise volonté.
C.D : Quelle est votre actualité) ?
E.D : En ce moment, j’expose mes dessins du blog et mes illustrations à la médiathèque de Pierrevives à Montpellier dans le cadre de la manifestation « à la rencontre de nos différences ». Et j’expose mes illustrations à partir d’avril à la galerie « la Fiancée du pirate » à Toulon avec d’autres illustrateurs. Avec des amis et ma professeur de yoga, nous avons monté une association de yoga adapté afin de diffuser les bienfaits de cette discipline auprès des personnes handicapées moteur. En avril, nous la présenterons sur un salon de sport adapté (JAPA).
