DébatsDossierEditosMédias

PETA, handicap et provocation gratuite

peta logo

La semaine dernière, l’ONG PETA a été accusée de stigmatiser les personnes souffrant de handicap mental. Chez Cover Dressing, on a préféré suivre l’affaire de loin et attendre que le bad buzz se tasse pour s’interroger sur la stratégie de communication de la PETA.

Rappel des faits

Le 25 août dernier, la blogueuse, écrivaine et entrepreneuse Charlotte de Vilmorin (alais Wheelcome), repère plusieurs allusions peu flatteuses aux personnes en situation de handicap dans la FAQ (Foire aux questions) du site français de l’association de défense des droits des animaux PETA – traduction fidèle de la FAQ du site mère, PETA.org.

https://twitter.com/Wheelcome_blog/status/636128344405372928/photo/1?ref_src=twsrc%5Etfw

L’information, rapidement reprise par le Huffington Post et sur les réseaux sociaux, a créé un tollé et obligé PETA France à modifier sa FAQ. Pourtant, la correction apportée laisse à désirer :

« Il n’y a pas si longtemps, beaucoup d’humains étaient traités comme des «objets» et on enfermait les personnes handicapées dans des institutions parce qu’elles étaient considérées sans valeur pour la société et «embarrassantes» pour leurs familles. Fort heureusement nous comprenons aujourd’hui qu’aucune discrimination ne doit être tolérée à l’encontre d’une personne, que ce soit sur des critères d’apparence ou d’aptitude physique, son genre ou son âge, et le progrès de notre société passe aussi par le fait d’embrasser l’idée qu’il ne faut pas accepter l’irrespect et la discrimination envers d’autres espèces. Nous pouvons avoir honte de cette vision étriquée et sectaire du passé, mais notre incapacité à s’interroger sur le traitement actuel de ceux que nous percevons comme «différents» est un risque à l’évolution morale de notre société. Notre défi présent est d’utiliser les leçons du passé, et c’est exactement ce que fait PETA. Comme le disait Martin Luther King Jr. «Une injustice, où qu’elle soit commise, est une menace pour la justice partout ailleurs. »

Ce message aux intentions sibyllines, également copié-collé en réponse à chacun des commentaires indignés sur la page Facebook de PETA France, confirme au moins une chose : l’association assume pleinement son argumentaire. Ce que confirme le reste de la FAQ, toujours en ligne à ce jour :

PETA

Le meilleur du pire de la communication

Validisme, sexisme, grossophobie, banalisation d’un génocide, etc… S’il y avait un Bingo de la communication douteuse, la PETA remporterait certainement le gros lot. En 2012, c’est cette campagne s’amusant des violences conjugales qui a créé la polémique :

De manière générale, l’image de la femme n’est pas brillante dans la communication de la PETA. En juin dernier, l’ONG a fait appel à Zahia, ex-call girl aujourd’hui créatrice de lingerie, pour la déclinaison française de sa nouvelle campagne de communication. A l’international, ce sont Pamela Anderson et sa co-star d’Alerte à Malibu Traci Bingham qui ont prêté leur image. Sous le slogan « Tous les animaux sont faits de mêmes morceaux », chacune pose nue, le corps barré de découpes de boucherie indiquant différents morceaux : poitrine, épaule, jarret, etc…

Remontons maintenant plus en arrière, en 2009, année durant laquelle la PETA a su mêler habilement sexisme et grossophobie avec sa campagne « Save the Whales ». On y voit le dessin d’une femme en maillot de bain, poignées d’amour et bras potelés, à côté du slogan « Sauvez les baleines, perdez du gras: devenez végétarien ». Si le panneau publicitaire a ensuite dû être retiré, l’association ne semble pas, d’après cet article de blog officiel, regretter son geste…

Mais le summum du mauvais goût date sûrement de 2003, avec une exposition choc intitulée «l’Holocauste dans votre assiette» et flirtant allègrement avec le point Godwin. Celle-ci « mêlait des images de personnes déportées en camp de concentration avec des photos d’animaux destinés à l’abattage » comme le rappelle Le Figaro.

Mais contrairement à ces précedentes polémiques, l’affront fait aux personnes souffrant de handicap mental ne rentre pas dans le cadre d’une grande campagne de sensibilisation mais dans celui, beaucoup plus casual, de la simple FAQ. Il ne s’agit pas d’une action choc destinée à faire parler de l’ONG, mais bien d’une comparaison entre animaux et personnes handicapées considérée comme banale et logique.

Bilan : La PETA n’a toujours rien compris

Ou, plus précisément, elle choisit sciemment d’ignorer les conséquences que cette stratégie de communication du bad buzz peut avoir sur les causes défendues par d’autres associations, voire sur les siennes. Pour un organisme aussi bien installé dans le paysage international, déconstruire le travail d’autres associations, luttant par exemple contre les violences conjugales ou l’objectification du corps des femmes, est aussi délétère qu’irresponsable. C’est cette provocation institutionalisée qui vaut à la PETA une certaine méfiance de la part du public, car semblant cacher un argumentaire d’une pauvreté extrême – alors même que de nombreuses associations de défense des animaux s’appuient, elles, sur des raisonnements fiables et bien construits. Mais aussi parce que, pour une ONG dont le leitmotiv est de lutter « pour un traitement éthique des animaux », cette stratégie en manque cruellement.

Mais le plus inquiétant, c’est peut-être que la PETA considère que, dans notre société, nous « comprenons aujourd’hui qu’aucune discrimination ne doit être tolérée à l’encontre d’une personne, que ce soit sur des critères d’apparence ou d’aptitude physique, son genre ou son âge […] ». Ou bien que les discriminations à l’encontre des personnes en situation de handicap relèvent d’une « vision étriquée et sectaire du passé« , qui n’existe plus aujourd’hui. Si la PETA pense réellement que l’époque à laquelle « les personnes handicapées […] étaient considérées sans valeur pour la société et «embarrassantes» pour leurs familles » est totalement révolue, c’est qu’elle a une image bien trop optimisme du monde du handicap. Considérer l’inclusion des personnes handicapées comme une lutte d’un autre âge et déjà remportée, c’est justement l’idée trop répandue qui empêche la communauté handi de réellement bénéficier des mêmes droits que les personnes valides.

Tags
Afficher plus

Articles similaires

2 commentaires

  1. J’ai eu l’occasion de rencontrer l’ONG PETA France aux journées d’été de EELV, Lille 2015. Leur discours outrancier, proche des végans, ne s’arrête pas à ces comparaisons. Ils osent affirmer que les nourrissons n’ont pas besoin de lait quand la mère ne peut leur en donner, par exemple, ou que les personnes porteuses de différentes pathologies peuvent parfaitement équilibrer leur alimentation et suivre leur régime sans aucun apport d’aliment d’origine animale. Ils atteignent même au sommet de la bêtise en affirmant que la laine est toujours obtenue par la souffrance animale, et qu’il vaut encore mieux faire des essais de médicaments nouveaux directement sur les êtres humains que d’en passer par la souffrance animale possible. Même placés devant l’évidence que cela conduit déjà à la souffrance d’êtres humains dans la misère, ou à l’article de la mort, qui se vendent pour ces essais.
    Il y aurait donc plus qu’une stratégie de communication qui dérive, mais un discours totalitaire qui affleure. J’appelle cela une version Bardot-FN de l’écologie.

  2. Mouais. Ok, ils utilisent du bad-buzz pour se faire un nom, cette stratégie est peut-être bancale, mais elle fonctionne puisqu’on parle d’eux (c’est une manière de se faire de la pub sans dépenser de sous)

    Maintenant, en faisant preuve de pragmatisme, je ne vois pas ce qu’il y a de choquant. « un handicapé mental a des droits », ben oui tout à fait, je suis d’accord; « même s’il n’est pas mignon ou si personne ne l’aime », ben oui , ceux-là aussi, au même titre que les handicapés mentaux mignons et/ou aimés.

    Il serait temps de lever les tabous en matière de communication et d’arrêter d’interdire l’utilisation de certains mots (noir/arabe/gay/handicapé/etc.) sous prétexte qu’il y a des sous-entendus stigmatisants derrière. Il n’y a sous-entendu que pour celui/celle qui veut en voir.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Bouton retour en haut de la page
Fermer
Fermer