Il existe, sur Internet, de nombreux classements des meilleurs personnages en situation de handicap dans les séries télévisées. Mais l’un d’eux se démarque singulièrement des autres : en 2005, le talk show Ouch! de la BBC (qui traite des problématiques liées au handicap) avait remis ce titre au personnage de Timmy, jeune garçon souffrant de handicap mental et moteur, issu du dessin animé satirique et ultra-provocateur South Park.
Connue pour son humour trash, envoyant allègrement valser toute notion de politiquement correct, la série créée par Trey Parker et Matt Stone* en est aujourd’hui à sa 18e saison. Il y a 10 ans, les aventures de ces enfants de l’école élémentaire de la ville South Park abordaient déjà le handicap de façon inclusive, certains critiques allant jusqu’à considérer le personnage de Timmy comme un modèle télévisuel d’intégration du handicap. Traitée avec le même ton irrévérencieux que les autres sujets, la thématique du handicap a fait l’objet de plusieurs épisodes aussi absurdes que réalistes. Voici quelques-uns des sujets abordés.
Le handicap, c’est pratique

Dans « Timmy » (saison 4, épisode 3), le personnage du même nom est diagnostiqué comme ayant un trouble du déficit de l’attention et est dispensé de devoirs par la Principale. Les autres enfants, jaloux, réussissent à se le faire diagnostiquer également. Dans « Le Petit Tourette » (saison 11, épisode 8), Cartman simule un syndrome Gilles de la Tourette, qui lui permet d’insulter gratuitement tous ceux qu’il croise, sans réprimandes, du fait de sa « maladie ». Lors des « Jeux olympiques spéciaux » de l’épisode « Les stéroïdes, ça déchire ! » (saison 8, épisode 2), Cartman décide de se « déguiser » en handicapé pour participer à la compétition sportive et rafler la récompense.
Mise à part la critique du corps médical, dont l’expertise est de toute évidence remise en question, ces épisodes illustrent bien un certain rapport des valides envers le handicap. Trop jeunes pour être pleinement conscients du tabou qui pèse sur le handicap (ou assez malfaisants pour l’ignorer volontairement), les personnages n’en perçoivent que les « avantages ».
Appréhender la différence
Autre réaction face au handicap, l’attitude condescendante des valides est aussi tournée en dérision,notamment via le personnage de Phil Collins dans « Timmy ». Mais l’exemple le plus frappant a lieu dans « Le Foetus siamo-maxillaire » (saison 2, épisode 5) : l’ensemble des adultes de la ville de South Park, pensant l’infirmière Gollum seule et isolée (du fait du foetus qui orne sa joue gauche), enchaîne les tentatives maladroites et aberrantes pour forcer son intégration.
Appréhender la différence c’est aussi, dans South Park, s’interroger sur l’absurdité des règles ou des dogmes de la société des valides. Ainsi, réalisant que Timmy ne peut pas se confesser compte-tenu de ses difficultés d’élocution (il ne sait dire que son nom), les enfants se posent une question importante : leur ami, à cause de son handicap, est-il contraint à aller en enfer ? (« Les handicapés vont-il en enfer ? », saison 4, épisode 9).
Le handicap comme posture identitaire

L’épisode « Combat d’infirmes » (saison 5, épisode 2) marque l’arrivée, au sein de la bande de l’école élémentaire de South Park, d’un nouveau personnage handicapé : Jimmy, apprenti humoriste de stand-up, contraint de se déplacer en béquilles et souffrant de bégaiement. Habitué à être le seul handicapé du groupe, Timmy ne voit pas d’un très bon œil l’arrivée de ce rival. Cet épisode illustre non seulement l’importance de la condition de personne handicapée dans la construction identitaire de l’individu ; mais il peut aussi être interprété comme une métaphore de la posture de la personne handicapé dans les séries télévisées. S’il n’est plus possible de le définir par son handicap, le personnage bénéficie-t-il d’une profondeur suffisante pour continuer à exister ?
Défendre cette posture identitaire, c’est aussi l’objectif de Timmy et Jimmy (à présent alliés) dans « Les gangs de Denver » (saison 7, épisode 2), qui s’insurgent contre Christopher Reeve venu à South Park pour délivrer un discours sur le handicap. La question de la légitimité de l’acteur se pose alors pour les deux enfants, qui sont eux handicapés de naissance et non suite à un accident.
Traités sans condescendance, les personnages handicapés de South Park sont parfaitement intégrés dans l’univers de la série (ils sont d’ailleurs des personnages incontournables du jeu vidéo South Park « The stick of Truth », Jimmy comme personnage jouable, Timmy comme moyen de locomotion). Aussi moralement discutables que les autres personnages, leurs actions les mettent sur un pied d’égalité avec eux.
* Trey Parker et Matt Stone sont également les producteurs exécutifs de la série TV et du film « How’s your news » dans lesquels des reporters souffrant de handicap mental interviewent des célébrités.