La chronique ciné de Circé : « Hasta la Vista »
Comment aborde-t-on le handicap au cinéma ? Et les sujets autour de la séduction, de l’amour et de la sexualité avec des personnages handicapés ? Depuis quelques temps, et espérons-le, pour quelques temps encore, le cinéma nous propose de nouveaux angles, de nouveaux points de vue sur ces questions. Circé a vu pour vous Hasta la Vista de Geoffrey Enthovens : elle nous confie ici ses premières impressions et raconte en quoi le film peut résonner avec sa propre histoire.
Je n’avais jamais vu ce film, sorti en 2012. Pas très fan de comédies, ni fan du sujet. Mais comme la thématique de la vie affective et sexuelle des personnes en situation de handicap revient en force sur nos petits et grands écrans, voir Hasta la Vista devenait nécessaire. J’ai dû dépasser quelques réticences : le film allait-il être « voyeur », indélicat, ou simplement à côté de la plaque ? Ce sont sans doute ces réticences qui m’ont dissuadée de le voir à sa sortie, et l’entrée en matière les a confortées : la première scène a éveillé immédiatement chez moi une sorte de rejet. On y voit deux jeunes filles courir sur la plage, avec une série de gros plans sur leur poitrine. Ça commençait mal, mais j’ai continué et finalement je crois que c’est mon film préféré autour du handicap.
L’histoire en quelques mots
https://www.youtube.com/watch?v=aNhgSXkmIi0
Il s’agit de l’histoire de trois jeunes hommes; l’un est atteint d’un cancer en phase terminale et se déplace en fauteuil roulant manuel, l’autre est mal voyant et circule avec une canne blanche, le troisième est tétraplégique et se déplace en fauteuil roulant électrique. Ils sont amis et vivent chacun dans leur famille, mais ils rêvent de connaître l’ivresse du sexe. Sauf que, surprotégés par leurs parents dans un monde où tout est contrôlé, ce n’est pas si simple.
Ils décident alors de partir en Espagne, sans les parents mais avec une auxiliaire de vie, dans une ville où existe un bordel qui accueille les personnes handicapées. Ils disent à leurs parents qu’ils veulent juste, pour une fois, partir sans eux, découvrir, s’amuser. Ils ne précisent pas ce qu’ils veulent découvrir. On ne raconte pas ces choses-là à ses parents, que l’on soit handicapé ou pas ! Le film raconte leur voyage façon roadmovie, du fanstasme à sa concrétisation .
Sexualité et handicap
D’autres films ont abordé le sujet, notamment The sessions de Ben Lewin (sorti le 6 mars 2013) et Indésirables de Philippe Bassarat (en salle le 18 mars prochain). En France, comme vous le savez, ce sujet dérange et fait débat. Et j’ai beau être handi, je ne suis certainement pas la mieux placée pour parler de ce sujet complexe.
Cependant, même si le sexe est le point de départ du film, il s’agit avant tout d’un voyage initiatique dont l’enjeu va bien au-delà de l’arrivée à destination. Il ne peut se réduire à la seule question du sexe pour les personnes handicapées. Ce film n’est en rien indécent, loin du ton j’ai pu lui prêter à la vue des premières images. Ce que j’ai envie de vous en dire, c’est que ce film m’a touchée et que j’y ai trouvé un bon goût de vérité.
Rires et émotions
Hasta la Vista est à la fois drôle et émouvant. Je décerne la palme de la scène drôle à celle de la première nuit passée dans un hôtel, quand le jeune homme tétraplégique refuse l’aide de la personne les accompagnant. Du coup, les trois jeunes hommes essaient de s’aider mutuellement, mais finissent endormis, habillés et en tas sur la moquette d’une des chambres. Vous ne voyez pas ce qu’il y a de drôle ? Moi si ! Il y a tellement de fois où mon orgueil m’a fait refuser un coup de main… ce qui a aboutit à une situation totalement ubuesque !
Il y a aussi une scène touchante où l’un des personnages est accosté par une jolie jeune fille, et en reste baba d’étonnement. Cette scène n’a rien de très original et pourtant, je l’ai trouvée juste parce que c’est vrai qu’en étant handicapé, on oublie parfois que l’on est attirant comme n’importe qui (je vous invite d’ailleurs à lire les articles de Lydie Raër à ce sujet). La relation parents/enfants est également criante de vérité : on sent l’inquiétude des parents et leur volonté de surprotéger leurs enfants. Le regard et le comportement de nos parents changent quand l’on rentre dans cette case, c’est indéniable.
Des acteurs valides… mais convaincants !

Je vous ai déjà dit mon ressenti devant des acteurs valides jouant des personnages handicapés. C’est aussi le cas dans Hasta la Vista, et le film me l’a confirmé : je ressens un malaise à voir des personnes valides jouer les rôles des personnes lourdement handicapées et parler de problématiques qu’elles ne peuvent pas connaitre… surtout quand je les vois faire la promo du film en arrivant tous debout et sans aucun matériel, ni aucune aide ! Ça m’a laissé une drôle d’impression. Puis comme me l’a dit une amie récemment « comment moi, en tant que personne non handicapée, je peux savoir si la personne joue bien ou pas ?« . Ici, cependant, je le confirme : les acteurs sont très bons, vibrants, ils nous émeuvent, nous font rire, nous emportent.
Ne nous arrêtons donc pas sur ce dernier point, car la façon dont le sujet est traité et l’humour valent largement l’aventure. Ce film évite le pathos, ses accents de vérité sont poignants, et il met le doigt sur des points auxquelles on ne pense pas. Le sujet en est, certes, le handicap, traité ici sans niaiserie ni pitié, mais il est aussi et surtout un beau film sur l’amitié.