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Les personnages handicapés au cinéma, selon Circé

Pascal DUQUENNE dans le film "Le huitième jour" de Jaco van Dormael en 1996
Pascal DUQUENNE dans « Le Huitième jour » de Jaco van Dormael – 1996

Comme elle nous l’a confié précédemment, les représentations du handicap au cinéma provoquent chez Circé des sentiments et émotions contradictoires (ici). Elle se penche aujourd’hui sur les personnages handicapés dans les films.

Je ne connais que peu de films dans lesquels, à l’instar du Huitième jour, le personnage porteur de handicap est joué par une personne qui en est véritablement atteinte. Rappelons, pour cet exemple-là, que le personnage trisomique du film est joué par un comédien atteint lui-même de trisomie 21. Évidemment, pas besoin d’être plombier pour jouer le rôle d’un plombier ! Tout réside dans le jeu de l’acteur. D’ailleurs, pendant longtemps et dans différentes cultures, les femmes étaient jouées par des hommes grimés, les noirs par des blancs maquillés, les nains par des grands pris sous des angles de vue précis. Ce n’est généralement plus le cas aujourd’hui.

Peut-être ne voyez-vous pas le rapport entre le fait de faire jouer des rôles féminins par des hommes et celui de faire jouer des rôles de personnages handicapés à des personnes valides ? Moi si ! Et s’il est évident que pour jouer une personne atteinte d’un cancer, il n’est pas besoin d’en avoir un soi-même, la question de la crédibilité ne se pose-t-elle pas ? Quel que soit le talent de l’acteur, ne tendra-t-il pas à incarner une représentation plutôt qu’une vérité ?

Mon fauteuil n’est pas une chemise !

Mon fauteuil n’est pas, pour moi, un instrument ou un habit que je prends, le temps d’un travail ou d’une activité. Il fait partie de mon identité, au même titre que ma condition de femme. Je n’en ai pas honte, et même si c’était le cas, ce n’est pas pour autant que je pourrais m’en passer. Il influence mes gestes, mes manies, mes habitudes. Ce n’est pas du folklore. Je me suis adaptée à cette condition de personne vivant avec des roues, j’ai changé certaines de mes façons de faire, de m’habiller. Alors bien sûr, un bon acteur peut apprendre à jouer une personne sourde, à en prendre les codes. Mais est ce qu’il n’y a pas un risque d’exagération, de fausses notes, à l’instar d’un homme qui ne garderait que les caractéristiques les plus excessives pour incarner une femme ?

Question de casting ?

Marion COTILLARD dans "De rouille et d'os" de Jacques AUDIARD - 2012
Marion COTILLARD dans « De rouille et d’os » de Jacques AUDIARD – 2012

Tout film est soumis à des exigences de casting. Avoir dans son film Marion Cotillard, comme dans De rouille et d’os, n’est pas la même chose que de n’avoir que de parfaits inconnus. Bien sûr, on n’oublie pas les compétences de l’acteur, son jeu. La vraisemblance du personnage est souvent mise en avant. Le spectateur va-t-il croire à un personnage s’il est à l’exact opposé de l’idée qu’il s’en fait ? Est-ce que si on nous dit : « lui, il est bûcheron », on va le croire,  surtout si le « il » en question est petit et gringalet ? L’habit ne fait pas le moine, mais dans l’inconscient collectif, il y contribue quand même. N’est-ce pas la même chose pour des personnages porteurs de handicap?

Quid des professionnels ?

Peut-être manque-t-il une réelle volonté des professionnels d’engager des personnes handicapées. Après tout, ces professionnels sont comme tout le monde, et on sait que dans le monde du travail, souvent, les employeurs hésitent à embaucher une personne handicapée.
Ils peuvent aussi avoir peur de ne pas savoir appréhender un handicap qui serait réel. Peut-être pensent-ils aussi qu’il n’y a pas d’acteur handicapé, et encore moins de bons acteurs. Je serais curieuse d’en discuter avec un réalisateur !

Être acteur en situation de handicap

Affiche de De toutes nos forces de Niels TAVERNIER - 2015
Affiche de De toutes nos forces de Niels TAVERNIER – 2015

Je n’avais pas pensé à cela, mais un ami m’a soumis cette idée il n’y a pas longtemps, et elle mérite d’être évoquée : les personnes porteuses de handicap ne veulent peut-être pas avoir leur image portée à l’écran ! Une image où leur handicap serait mis en avant ou en tout cas très visible ! Peut-être auraient-elles l’impression d’être réduites à leur handicap ?
J’ai tendance à penser que c’est surtout une question d’à priori. Il y a peu, on n’aurait pas imaginé une femme sous chimiothérapie travailler comme mannequin en assumant son absence de cheveux (Forever Youngs). Aujourd’hui , il y a des personnes atteinte de nanisme qui sont mannequins (Stéphanie Lhorset), des chanteuses qui portent une prothèse (Viktoria Modesta), des personnes porteuses de handicaps qui dansent, d’autres qui jouent au théâtre….. Il y en a certainement qui pourraient, voudraient être, ou sont acteurs ! Bien sûr, tous les rôles de personnes handicapées ne doivent pas absolument être portés par des personnes ayant réellement un handicap. Mais avec le temps, peut-être verrons-nous plus de Julien joués par des Fabien Hérault (De toutes nos forces de Niels Tavernier).

En grande fan de cinéma que je suis, je ne puis que vous inviter à continuer d’aller dans les salles obscures. Mais n’oubliez pas que ce n’est que du cinéma, et que ce n’est pas parce que vous aurez vu La famille Bélier que vous appréhenderez mieux ce que c’est que d’être malentendant ou enfant de personnes handicapées.

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2 commentaires

  1. Bonjour,
    Je suis actrice et danseuse en situation de handicap et votre article m’intéresse particulièrement. Après des études de théâtre, j’ai enfin pu approcher les arts cinématographiques, en ayant eu le cinquième rôle au côté de l’acteur Jérémie Elkaïm. Philippe Barassat (le réalisateur) désirait engager des acteurs en situation de handicap et des acteurs valides. Indésirables me tient beaucoup à cœur puisqu’il aborde un sujet délicat mais important : l’assistanat sexuel aux personnes handicapées. (Sortie au cinéma le 18 mars 2015 – Zelig Film Distribution). J’ai d’ailleurs écrit un article sur la reconnaissance des artistes en situation de handicap pour le journal Nouvelle Danse en Belgique. Il sera publié en Mars 2015.
    C’est un peu la même chose en danse, aujourd’hui, je commence à être engagée sur des projets professionnels mais le chemin est long. Continuons à avancer !

  2. Bonjour.
    Ravie que l’article vous intéresse.
    Pour ma part celui que vous avez écrit et qui va paraitre dans un revue belge m’intéresse aussi. Pourrez vous m’en envoyer un lien ou une copie quand il sortira?
    Je viens de regarder le teaser de Indésirables et je serais vraiment ravie de le voir quand il sortira.
    Cordialement,
    Circé / Douce Barbare

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