Le handicap à la conquête des vitrines ?

Elles ont pour fonction première de s’offrir à tous les regards. Informatives, elles vous montrent une sélection de ce que vous trouverez dans la boutique, sublimant chaque objet pour en faire une parcelle de rêve, contextualisé dans un univers féérique. Le célèbre sociologue Jean Baudrillard disait d’elles que « Les objets et les produits s’y offrent dans une mise en scène glorieuse, dans une ostentation sacralisante ». Elles, ce sont bien sûr les vitrines.
A l’heure où l’on nous convie à découvrir celles, magiques, de Noël, un petit « flashback » s’impose sur des vitrines jugées « insolites », qui ont défrayé la chronique de ces 12 derniers mois.
A Zurich d’abord

Souvenez-vous : tout a commencé le 3 décembre 2013, dans les vitrines suisses de la Bahnhofstrasse de Zurich ! Pour cette Journée Internationale des personnes handicapées, l’organisation Pro Informis avait décidé de présenter 5 mannequins de résine éloignés des modèles conventionnels. « Ils présentent les dernières tendances de la mode au milieu de leurs « frères et sœurs » aux formes parfaites. Certains ont des membres plus courts, d’autres une colonne vertébrale déformée par la scoliose ou la maladie des os de verre. Le slogan de l’action…: « Qui donc est parfait ? Rapprochez-vous. » expliquait alors Pro Infirmis dans son communiqué de presse.

« Cette opération nous fait réaliser que les mannequins que l’on voit en vitrines des magasins ne sont pas le reflet de la réalité. Ils ne concernent qu’une faible partie de la population, mesurant 1m80 et faisant du 34 pour les silhouettes féminines. » commentait alors Allison Hekimian sur le site de Marie-Claire.
Est-ce à dire que les vitrines doivent, désormais, refléter la réalité ? Ou bien que la réalité peut, elle aussi, faire partie du rêve ? Si tel est le cas, le tournant est aussi énorme que bienvenu ! Savoir apprécier la diversité des êtres et des corps, celle des esthétiques, accepter enfin l’imperfection, ce serait remettre l’humain dans toutes ses façons d’être au cœur de la société, non ? Notre société s’engage-t-elle enfin vers la reconnaissance d’autres valeurs que celles, si restrictives, jusqu’à présent valorisées ? Nos vitrines ont certainement un rôle à jouer dans ce processus, espérons que nous n’en sommes qu’au début !
A Salzbourg ensuite

Une seconde initiative a eu lieu dans le vieux centre de Salzbourg, en Autriche, en octobre dernier. Ce sont 13 boutiques qui, sur une impulsion de la municipalité, ont mis en vitrine un mannequin de jeune femme ayant une prothèse au bras, une femme âgée avec un déambulateur, un enfant en fauteuil roulant et d’autres mannequins résine « atypiques ». Les organisateurs sont, cette fois, les élus de la ville, qui imposent leur slogan « Echt! Mensch – Leben ist 100 % Vielfalt » (Vraies personnes ! La vie, c’est 100% de diversité).

Nous souhaitons que les vitrines continuent de nous présenter des univers oniriques, des mises en scène bien léchées, des univers merveilleux… qu’elles contribuent, après tout, à formater plus ou moins notre imaginaire de consommateurs potentiels. Mais elles ont, effectivement, un rôle à jouer. Imaginez un instant que le Printemps, dont les vitrines font rêver plus de 10 millions de passants chaque année, présente tout naturellement des mannequins de tous âges, de toutes origines, de toutes tailles, avec des « différences », des « imperfections », ….dans ses scénographies ? C’est tout un imaginaire qui en serait bouleversé ! Tout un système de valeurs qui serait repensé par tous ces passants ! Et sans doute un rapport à l’autre qui serait, enfin, dédramatisé. Car, comme le dit la ville de Salzbourg, « La vie, c’est 100% de diversité ». Et une société beaucoup plus ouverte, qui « sacraliserait » la diversité humaine, ça fait bien rêver, non ?