Mode « adaptée », quelle réponse à quels besoins : aujourd’hui « Les Habilleuses »
Après Amédi Kaisitu, d’Insolite Fashion et Alice Merle, fondatrice de Mode Estime, Cover Dressing poursuit son périple dans le monde des créateurs de mode « adaptée » en allant à la rencontre de l’Association « Les Habilleuses » et de sa Présidente Marie-Pierre Plantaz, plus connue sous le nom de Mapie.

Cover Dressing : Mapie, quel regard portez-vous sur ces nouveaux créateurs qui comme Amédi Kaisitu se lancent à leur tour dans le domaine de la mode adaptée ?
Mapie : Je ne trouve pas forcément que ce soit innovant, dans la mesure où il existe déjà des créateurs de vêtements adaptés qui répondent très spécifiquement à la problématique du fauteuil et donc de la position assise. Pour autant, ça peut tout de même être innovant dans la mesure où il n’y a que six ou sept créateurs sur le marché, ce qui est peu par rapport à l’offre classique. Donc, un créateur de plus, ce peut être un style différent et donc une offre de plus sur le marché de la mode adaptée.
CD : Est-ce qu’il aurait été utile qu’il prenne contact avec d’autres créateurs avant de se lancer selon vous ?
M : Comme beaucoup de gens qui passent par là, ce sont souvent des gens directement concernés (Amédi Kaisitu est en fauteuil) qui se lancent, je suis moi-même passée par le même constat, avec peut-être la lorgnette trop fermée sur leur propre problématique. C’est important de s’ouvrir aux autres, j’ai le sentiment qu’il a d’ailleurs la volonté de le faire. D’ailleurs, on gagne du temps lorsque l’on discute avec les autres. C’est un secteur pas facile, qui est vraiment une « niche » très ciblée. Il y en a plein qui se sont lancés et qui ont fermé, il y en a plein qui rament et je crois qu’il est bon de savoir pourquoi.
CD : Sur quel constat est né le projet qui est le vôtre, celui « des habilleuses » ?
M : Il y a plus de dix quand je me suis retrouvée en fauteuil, il a fallu se séparer de toute la garde-robe, parce que les tenues que j’avais ne correspondaient plus du tout à la façon de m’habiller. Enfiler un pantalon quand on est en position assise, ce ne sont pas du tout les mêmes contraintes que lorsque l’on peut se mettre debout. Le corps change, les fragilités du corps évoluent, on ne peut donc plus porter les mêmes choses, avec les mêmes points d’appui, les coutures qui peuvent gêner, la peau qui devient plus sensible. J’ai cherché au début dans les boutiques et je n’ai pas trouvé. J’ai demandé à des copines qui se débrouillaient un peu en couture de m’aider, j’ai moi-même modifié des vêtements et à force de chercher à droite, à gauche, j’ai découvert que je n’étais pas la seule, loin de là, à avoir ces problématiques et que si je pouvais avoir quelques idées astucieuses ce serait peut-être bien de les partager avec d’autres. L’idée était aussi d’enrichir mes idées astucieuses par d’autres idées du même type. Du coup, l’idée de créer une association s’est imposée, pour permettre d’écouter, d’échanger, d’expliquer, de regrouper et de conseiller des personnes qui sont confrontées à un handicap, quel qu’il soit.

CD : Justement, votre action se limite-t-elle aux seules personnes à mobilité réduite ou bien vous intéressez-vous à tous les handicaps ?
M : On s’intéresse à tous les handicaps. Au départ, c’est vrai on est parti sur la problématique vestimentaire de la personne en fauteuil, c’est le handicap qui est le plus évident pour moi et puis petit à petit, beaucoup de personnes présentant d’autres types de handicaps sont venues toquer à la porte de l’association. Aujourd’hui, je trouve finalement que la question du fauteuil, n’est pas le souci que l’on rencontre le plus souvent.
CD : Quels types d’autres handicaps rencontrez-vous dans votre action quotidienne ?
M : Essentiellement tout ce qui concerne la spasticité des membres supérieurs, rétractation, problème d’épaule, d’enfilage…des questions auxquelles il est très difficile de trouver des réponses dans la confection ordinaire. On a aussi des personnes qui sont venues avec des questions autour du handicap mental, avec des difficultés à reconnaître l’avant ou l’arrière d’un vêtement, ou bien avoir des problèmes avec les boutonnières, les fermetures-éclair lorsque la sensibilité des doigts ou la mobilité de la main sont altérées. Et puis bien sur, on rencontre des problématiques multi-handicaps lorsqu’il s’agit de répondre aux questions liées au vieillissement.
CD : Vos vêtements peuvent-ils être portés par des personnes valides ?
M : On tente de faire en sorte que nos vêtements ne soient pas stigmatisants. Ce n’est pas toujours facile pour les vêtements prévus pour les personnes en fauteuil, mais pour bien d’autres modèles, ils peuvent être portés par tous. On cherche à faire en sorte que ce soit l’aspect du vêtement qui reste prioritaire et non pas l’adaptation.

CD : En termes de coût, vos vêtements sont-ils plus chers que des vêtements traditionnels ?
M : Oui, en principe c’est plus cher, parce que nous les fabriquons nous-mêmes, ici, en France. On ne délocalise pas à l’étranger dans des pays où la main-d’œuvre est bon marché. Maintenant, le souci de l’association, c’est aussi que ça reste abordable. Pour l’instant, on y arrive parce que l’on a la chance de récupérer pas mal de tissus et de pouvoir faire avec, ce qui permet de ne pas faire peser le coût de la fourniture dans le prix du vêtement. C’est un avantage, l’inconvénient étant que l’on n’a pas tous les types de tissu que l’on voudrait. Mais la finition est très soignée, les vêtements sont robustes et la qualité du produit est irréprochable ce qui explique aussi le prix un peu plus élevé que dans la grande distribution.
Pour mieux faire connaissance avec « Les Habilleuses », rendez-vous le site internet de l’association : http://www.leshabilleuses.com/
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